Extrait du tome 1

Chapitre 1 des Legendes Oubliées - tome 1 : les amazones


— Dis-le-lui en douceur, chuchota doucement une voix d’homme.
— Je n’ai toujours pas compris pourquoi c’était à moi de lui en parler, répliqua une deuxième voix masculine.
— Parce que tu as perdu ! Tu n’as pas trouvé la bonne carte.
— C’est complètement idiot de toute façon, il s’agit bien d’un jeu où toi seul peux gagner, voyons ! Tu es son plus proche ami, c’est à toi de lui dire.
— Franck, tu as perdu à mon jeu diaboliquement intelligent ! Tu dois y aller ! Ce sont les règles, continua la voix avant de pousser ledit Franck vers une porte fermée. Eh ! intercepta cette voix comme s’il venait de se souvenir d’un détail des plus importants, s’il te tue, je peux récupérer ta chambre ?
— Tu me le payeras Wock !
— Des paroles, toujours des paroles ! rigola le fameux Wock.
Alors que « Franck » allait frapper à la porte, celle-ci s’ouvrit sur un jeune homme brun aux yeux d’un bleu limpide, presque cyan et aux fossettes gourmandes. Son pantalon, confectionné avec le plus riche tissu de l’époque, était de couleur noire. Ses bottes mises au-dessus de ce dernier lui donnaient un air de pirate, tandis que sa chemise à jabot
lui octroyait plutôt l’allure d’un vampire sorti tout droit d’un livre fantastique. Tout, dans son allure, dans son port et dans ses atours, démontrait indubitablement qu’il venait d’une famille riche.
— Franck, Dawn ! Je partais justement à votre recherche ! Où étiez-vous tous les deux ? demanda le jeune homme en croisant les bras. Lorsque ses amis étaient introuvables, ce n’était bon signe pour personne.
— Nous étions en réunion, répondit un autre jeune homme brun également, aux yeux noisette et au sourire charmeur. Dawn Wock, car c’était lui, poussa son troisième acolyte dans la chambre dont la porte venait de s’ouvrir. Franck a quelque chose à te dire !
— Traître ! murmura le jeune homme châtain aux yeux verts, mignon, mais sans beauté réelle : Franck Liverstone. Écoute James, on a une mauvaise nouvelle, tu devrais peut-être t’asseoir.
— En réunion ? Pourquoi ne suis-je pas au courant qu’une réunion se tenait ? Et une mauvaise nouvelle ? Dis-la-moi, exigea le jeune homme sans faire un mouvement, fermé comme l’aurait été une porte de geôle.
— Tu devrais t’asseoir d’abord, répéta Franck sans se vexer de l’air qu’avait pris son ami.
— Je suis assez grand pour savoir ce que je dois faire et vous me faites encore plus peur à réagir ainsi. Crachez le morceau les gars, réclama James.
— OK, bon, puisque c’est comme ça, je vais me servir un verre moi, Franck ? interrogea Dawn.
Voyant que ce dernier lui adressait un signe de négation, il traversa la salle et se dirigea vers le bar de son ami. La pièce, toute en rondeur, était aussi chaleureuse qu’un bon feu de cheminée, qui d’ailleurs était allumé à l’heure actuelle. Des tapisseries de la vie quotidienne camouflaient la plupart des murs en pierres de la pièce, la rendant encore plus confortable. Seul un pan était recouvert par les peintures des ancêtres du jeune homme ayant pris possession des lieux : James, bien entendu.
Une fois son verre servi, Dawn alla s’avachir sur le canapé qui trônait fièrement en face des deux autres garçons encore debout.
Alors que le bois craquait, Dawn réalisa qu’il avait oublié son ami, sans faire mine de se lever, il demande pourtant :
— James, tu veux quelque chose ?
— Non rien, répliqua ce dernier. Puis reportant son attention sur Franck, il réitéra sa demande : venez-en au but !
— Bon, commença le jeune homme châtain, tu sais que tes bateaux se font assez régulièrement piller en ce moment.
— Oui et ? demanda James impatient de connaître la suite.
— Tu te souviens des bateaux que tu as envoyés sur les îles Féniaux ? questionna Dawn, voyant que son ami peinait à trouver les mots.
— Ceux couverts de présents pour ma future épouse ? craignit James.
— Oui, ceux-là mêmes répliqua amèrement Dawn. D’ailleurs, tu peux m’expliquer pourquoi tu l’as choisie, elle ? insista Dawn sur ce pronom.
— Parce que son père pourrait me donner assez de puissance pour battre enfin Swan !
— Mais enfin, de toutes les jeunes filles que tu peux avoir, pourquoi ELLE ? Tu sais très bien que là, au-dehors, toutes les filles du royaume n’attendent que toi ! riposta Dawn en pointant son doigt vers l’extérieur des murs du château, comme si le fait d’appuyer son propos le rendait plus crédible, plus réel. Et toi, tu choisis la moins... s’arrêta Dawn pour
réfléchir. Durant sa diatribe, il s’était levé et faisait maintenant les cent pas sur le tapis rouge bordeaux devant la cheminée, délaissant le verre qu’il venait pourtant de se servir.
— La moins intelligente, continua Franck comme pour calmer Dawn, essayant de le prévenir que le terrain était glissant et en prenant la place que son ami venait de quitter.
— Belle, corrigea Dawn.
— Savante, riposta Franck.
— Élégante, continua alors Dawn.
— Astucieuse.
— Attirante.
— Ingénieuse.
— Affriolante.
— Sagace.
— Appétissante.
— STOP, ça suffit, interrompit James. Je pense avoir compris ce que vous souhaitiez exprimer. Mais comme je vous l’ai dit auparavant, ce n’est pas son physique qui m’attire chez elle, et bien qu’il m’eût été préférable d’avoir une femme intelligente à mes côtés, je ne puis malheureusement pas concéder à mon souhait. J’ai le destin de tout un royaume entre les mains, il me faut conclure une alliance forte et je ne peux y arriver qu’en épousant Sophie. Arrêtons de parler d’elle, et dites-moi ce qui est arrivé à mes bateaux, exigea James en se plantant devant Dawn.
— Eh bien, ils sont rentrés intacts de la mer, enchaîna Dawn en baissant les bras.
— Intacts ? demanda le jeune incrédule. Ils sont revenus ? Je ne comprends rien à ce que vous souhaitez me dire !
— C’est simple, les bateaux que tu as envoyés à ta promise nous sont revenus entiers et surtout intacts de la mer. Mais ils n’ont pas pu arriver jusqu’à Sophie, tu t’en doutes, essaya d’apaiser Franck.
— Ce sont encore... ELLES ? rugit alors James.
— Oui, et celle qui leur sert de chef t’a laissé un message apparemment.
— Qui est ?
— Le matelot à qui elle a confié le message a eu du mal à nous le transmettre. Il s’est mis à bredouiller quelques mots, mais... commença Franck.
— Il va bien ? coupa alors James, se sentant coupable de n’avoir même pas pris le temps de demander comment son équipage s’en était tiré.
— Oui, elles ne leur ont fait aucun mal. Comme d’habitude d’ailleurs, lâcha alors Dawn.
— Alors ce message ? réitéra James, soulagé de savoir ses équipes intactes.
— Elle a dit : « Il ne fallait pas prendre la peine de nous envoyer autant de beaux cadeaux, rien dans les cales ne nous plaît. Mais si vous souhaitez vraiment nous faire plaisir, envoyez-nous plutôt des hommes capables de battre des femmes ! »
— Elle a dit ça ? interrogea incrédule James. Il ne sut s’il devait se fâcher ou en rire. Dans d’autres circonstances,
avoir une joute verbale avec cette inconnue lui aurait beaucoup plu... et amusé !
— Apparemment ! sourit Franck.
— Quel culot, elle va me le payer ! gronda James, ayant décidé que la colère l’aiderait mieux que le rire dans ce genre de situation. Comment cela s’est-il passé ?
— Elles ont profité du brouillard habituel de la pointe nord, sont montées dans le bateau de tête et ont assommé tous les hommes. On ne sait pas encore comment elles s’y sont prises pour mettre hors d’état de nuire autant d’hommes. Toujours est-il que quand le matelot Sanders s’est réveillé, il était attaché au mât du bateau, une femme rousse devant lui, lui demandant de te transmettre ce message.
— Enfin, nous en savons plus sur elle ! Des mois qu’elle nous tourne en ridicule ! Avons-nous plus de détails ? demanda alors James en se précipitant sur son ami. Comme si son état de fébrilité pouvait l’aider à donner ses informations plus rapidement.
— Eh bien, nous aimerions que tu interroges l’homme toi-même, répondit Franck.
— Vous auriez pu le faire aussi bien que moi ! répliqua James en levant les bras au ciel, frustré de perdre encore de précieuses minutes. Minutes qui le rapprocheraient enfin de la connaissance du mystère qui entourait les intentions de ces femmes.
— Probablement, mais nous savons à quel point tu souhaites arrêter ces femmes toi-même, trancha Dawn en se rapprochant de son ami et lui posant une main sur le bras, tentant de lui faire comprendre que ses réactions étaient un peu disproportionnées.
— Très bien, où est-il ? souffla James.
— Aux cuisines, il prend un peu de repos devant une assiette de Nanny Toon ! révéla alors Franck.
— Bien, allons-y ! annonça alors James en se dirigeant déjà vers la sortie.
C’est ainsi que les trois hommes sortirent de la pièce. James en tête, suivi de près par ses deux acolytes. Ce trio avait belle allure dans les couloirs du château. Les domestiques les saluaient doucement et les garçons leur répondaient. Les nobles essayaient d’attirer l’attention du maître du château sans pourtant y parvenir une seule fois. Ce dernier
avait beaucoup trop de choses en tête pour écouter les boniments de ces courtisans trop gras pour être réellement honnêtes.
De larges ouvertures agrémentées de fenêtres dans les murs donnaient sur le domaine du seigneur. On pouvait y voir des plaines verdoyantes, des chevaux paissant tranquillement et des rivières fournies en poissons de tous types. En contrebas des murs du château, le village se réveillait doucement au son du cri du coq. Les boulangers, levés depuis quelques heures déjà, faisaient cuire le pain dans leur four en pierres, larguant des volutes de fumée odorantes dans les rues. La
marchande de fleurs ouvrait son étal, saluant le cordonnier sur le chemin de son propre établi.
Un enfant courait le long de ce chemin, puis chuta, vite relevé par le médecin du village que l’on disait un peu magicien. Et dans tout ce fatras de vie, une trentaine d’hommes tentaient de se remettre de la mésaventure connue quelque temps plus tôt.


***


À bord de leur navire alors que le soleil n’était pas encore levé et que la brume ne s’était pas encore dissipée, des ombres s’étaient faufilées clandestinement. Bien que le voyage n’ait débuté que quelques jours plus tôt, les hommes étaient déjà fatigués par une mer agitée qui ne les avait laissés se reposer à aucun moment. Certains tentaient de trouver le sommeil tant que les vagues ne se faisaient pas violentes, d’autres lavaient le pont qui avait connu des jours meilleurs, d’autres encore vérifiaient les boussoles.
Le capitaine du navire, un homme ayant déjà bien vécu, vérifiait ses calculs, l’aventure serait encore longue et la tempête qu’ils avaient subie avait emporté beaucoup de leurs provisions. Ils devraient s’arrêter en chemin s’ils souhaitaient finir leur entreprise en un seul morceau. Le prochain port ferait bien l’affaire. Ce dernier était à une journée de voile
et était le plus proche du château. Il pourrait rendre compte au roi des bijoux, robes et autres frivolités qu’ils avaient choisis pour la future épouse.
C’est là qu’il la vit. Enfin, voir était un bien grand mot. Il n’aperçut d’elle qu’une longue cape de couleur bleu ciel. Des bottes en cuir et surtout ses yeux, d’un bleu pétrifiant, aussi pur que le bleu du ciel, mais aussi ombragé qu’une mer en colère. De l’iris jusqu’à la pupille, ce n’était qu’un dégradé de bleus, avec une légère couleur... violette ? se demanda alors le capitaine. Puis il sentit à peine un coup dans le dos qu’il sombrait déjà dans l’inconscience. Il fut réveillé quelques heures? plus tard par un matelot qui balbutiait des mots incompréhensibles.


***


Celui-ci s’était réveillé au mât du navire, ligoté de toute part. Aucun mouvement ne lui avait été accordé. Ses yeux papillonnèrent, et lorsqu’il voulut relever la tête, ces derniers se posèrent immédiatement sur des bottes de couleur marron au dessin noir alambiqué. Puis, un pantalon noir enfilé dans ces mêmes bottes. Une cape longue descendait
presque jusqu’aux pieds de l’individu. De longues, très longues jambes.
Puis, un corset enveloppant une taille fine, trop fine pour appartenir à un homme. Et c’est à ce moment précis qu’il comprit. Son bateau était tombé entre les pires mains ennemies de l’époque. Oh, il savait que rien ne lui serait fait, mais la honte le poursuivrait toute sa vie. Son bateau et son équipage étaient tombés entre les mains des Amazones.
Un groupe d’hommes s’était laissé piéger par de frêles et fragiles femmes. La honte suprême dans cet univers régi par des hommes et où les femmes devaient être protégées et secourues par ces derniers.
Au moment où ses yeux atteignirent la poitrine de l’étrangère, il nota de longs cheveux roux tombant sur cette dernière, généreuse sans être trop importante, mise en valeur par son corset. Aucun autre détail ne lui fut permis de regarder. L’étrangère avait baissé le capuchon de sa cape au plus bas possible empêchant toute personne de la détailler.
S’avouant que son observation était terminée, il regarda de tous les côtés. C’est là qu’il aperçut d’autres femmes, trois ou quatre, tout au plus. Toutes différentes les unes des autres, et pourtant si semblables.
Peut-être était-ce dans ce maintien fier ? Dans leur allure « garçonne sexy » ? Dans leur corpulence, toutes étant relativement fines ? Ou dans leur regard, hanté, vengeur, triste ?
Il ne put finir sa contemplation, une lame venait d’apparaître dans son champ de vision, juste sous son menton. Quel matelot faisait-il donc ? Il ne s’était même pas aperçu que l’étrangère en portait une ! Ridicule... il était ridicule ! S’adressant cette réflexion, il réalisa qu’à aucun moment il n’avait essayé de s’échapper, ce n’était pas maintenant avec une lame sur la gorge qu’il pourrait le faire.
— Veux-tu t’en sortir indemne, matelot ? demanda la rousse cachée, d’une voix forte et sûre d’elle, mais avec une réelle gentillesse.
— Vous ne me ferez aucun mal, votre réputation vous précède. Par ces paroles bravades, le matelot essayait par-dessus tout de masquer sa peur.
— C’est-à-dire ? interrogea de nouveau la rousse en penchant légèrement la tête de côté.
— Dans tous les bateaux que vous avez attaqués, aucune personne n’a été blessée.
— Peut-être est-ce parce qu’ils ont collaboré avec nous ! répliqua la rousse en appliquant une pression légèrement plus forte sur l’épée. Inconsciemment, le matelot se mit sur la pointe des pieds afin de faire en sorte que l’épée ne le blesse pas.
— Es-tu prêt à tenter ta vie pour le savoir ? menaça-t-elle, sa voix devenant glace.
— Non, avoua le matelot.
— Ton nom ? lâcha la jeune femme.
— Sanders, révéla le jeune homme.
— Bien. Matelot Sanders, es-tu prêt à délivrer un message pour moi ? demanda alors la jeune femme.
— Ai-je le choix ? demanda le matelot.
— Non, en effet, tu ne l’as pas. Disons juste, pour ta fierté, que tu me rends un service ! claqua alors la voix de la jolie rousse.
— Très bien, je vous écoute, capitula le marin.
— Tu répéteras ceci à ton roi : « Il ne faut pas prendre la peine de nous envoyer autant de beaux cadeaux, rien dans les cales ne nous plaît. Mais si vous souhaitez vraiment nous faire plaisir, envoyez-nous plutôt des hommes capables de battre des femmes ! » Et si tu souhaites, ajoute que je suis très en colère, ne te gêne pas, car je le suis ! gronda la jeune
femme.
— Mais enfin, ce sont des présents pour la princesse Sophie, commença Sanders, en essayant de défendre son roi.
— Justement, nous ne sommes pas des princesses, rien de tout cela ne nous intéresse. Les bijoux, les fourrures, les parures, les robes...Donnons-nous l’impression d’être aussi futiles ? interrogea-t-elle en écartant le bras qui ne tenait pas l’épée.
— Rien ne vous ira de toute façon ! rétorqua-t-il en essayant d’être assez courageux pour insulter la personne qui tenait pourtant sa vie entre ses mains.
— Tu as tout à fait raison, matelot Sanders. C’est pourquoi nous renvoyons la cargaison en entier. Mais comme tout a un prix... Les prochains navires seront entièrement nôtres !
— Vous ne pouvez pas ! cria-t-il.
— Ah non ? Et pourquoi ? rigola alors la rousse.
— Parce que... Parce que... bredouilla Sanders.
— Nous devons y aller Ellie ! interrompit une jeune femme brune. Nous n’avons déjà que trop tardé ici.
— Très bien. Elfie, tu t’en occupes ? sollicita la rousse en détournant légèrement la tête vers la brune qui venait de prendre la parole.
— D’accord, on se rejoint au lieu habituel, opina cette dernière, en avançant déjà vers le matelot.
— Parfait, je te laisse les autres. Fais attention à toi et à elles, recommanda la rousse.
— Toujours, promit la brune.
Alors que la rousse s’éloignait, la femme brune, Elfie apparemment, s’approcha de Sanders. Elle prit quelque chose dans une bourse accrochée à sa ceinture à côté d’une longue dague. Elle porta alors sa main à sa bouche, l’ouvrit et lorsqu’elle souffla dessus, une fine poudre en sortit. Puis ce fut le trou noir pour le matelot.
Lorsqu’il se réveilla, il était sur le pont, allongé à même les planches.
— Et c’est tout ? Vous ne vous souvenez de rien d’autre ?


Ils étaient dans la salle qui servait de cuisine. Le fumet d’un ragoût tout juste naissant venait titiller les estomacs des trois garçons pourtant fort peu matinaux en règle générale. Le matelot lui, n’avait rien mangé depuis la veille. C’est pourquoi il en était déjà à sa deuxième assiette.
Nanny Toon, dans son coin, observait les garçons assis autour de sa table. Le plus âgé des trois, Franck Liverstone, était aussi le plus avisé et discipliné du trio, bien qu’il vienne tout juste d’atteindre ses vingt-six ans. Connu dans tout le royaume comme étant le conseiller du roi, il avait gagné le respect de celui-ci grâce à son intelligence et à sa
bienveillance.
Venait ensuite Dawn Wock, chevalier de père en fils. Il était le chef des armées du prince et son plus fidèle confident. Le prince et lui étaient amis depuis leur enfance. Franck, lui, n’était apparu dans la vie de ces deux derniers que quelques années plus tôt.
Et le prince, futur roi, James, la fierté de Nanny Toon qui l’avait presque élevé. Grand, d’une beauté à couper le souffle, mais beaucoup moins ténébreux que son ami Dawn. James avait pris la relève de son père lorsque celui-ci avait été tué par un coup d’épée donné par un ennemi puissant. Bien que jeune, vingt-cinq ans non révolus, le peuple l’avait porté aux nues, l’obligeant, un peu malgré lui, à prendre les responsabilités élevées de souverain.
Deux ans, cela faisait deux ans qu’il gouvernait. Et jamais Nanny Toon n’avait eu à lui reprocher ses choix. Sauf peut-être sa décision d’épouser cette étrangère. Mais son choix avait été calculé, réfléchi. Elle n’avait donc pas insisté.
— Oui, Souverain, c’est tout, je vous le jure ! supplia le matelot, sortant par là même la vieille femme de ses souvenirs.
— En es-tu certain ? demanda James.
— Oui, Mon Seigneur ! confirma Sanders.
— Je n’en suis pas si sûr, insista alors James.
Le visage de l’homme devint plus blanc que la neige, menaçant l’homme de rendre son repas à peine pris.
— Mais... Mon roi, Mon... bégaya alors le matelot.
— Ne t’inquiète pas, je sais que tu ne mens pas matelot Sanders, coupa James. Consciemment, tu ne te souviens que de cela, mais ton inconscient a capté des éléments que tu ne soupçonnes même pas ! Par exemple, tu ne m’as pas décrit la voix de la femme rousse... essaya alors James.
— Je... débuta Sanders, concentré pour se rappeler les détails, sa voix était... sensuelle... douce... pas trop aiguë, ni trop grave...
— Un accent ? voulut savoir le futur roi.
— Celui de chez nous Mon Seigneur. Elle s’exprimait... de façon claire, nette, pas hautaine, mais avec... Sanders cherchait ses mots pour exprimer ce que la voix lui avait fait ressentir.
— Distinction ? lui vint en aide Franck.
— Oui, c’est exactement ça ! clama Sanders, heureux d’être parvenu à s’expliquer malgré tout.
— Et l’autre ? demanda Dawn.
— Brune, grande, superbe, une taille à damner.
— Tu m’as l’air de l’avoir bien détaillée ! rigola alors James.
— Je... bredouilla encore une fois Sanders, honteux de s’être fait prendre à glorifier une femme.
— Continue voyons... enchaîna alors James.
— Brune, les yeux d’un noir pareil aux abysses. Tenue typique d’un pirate, tout comme les autres femmes qui les accompagnaient, détailla le jeune homme.
— Quel lien as-tu senti entre elle et la rousse ? questionna alors James.
— Amitié profonde, Mon Seigneur, un peu comme vous et Sir Wock, répondit le matelot.
— Et la rousse ? continua James.
— Désolé Mon Seigneur, je ne me rappelle vraiment que de cela, répliqua Sanders, légèrement perdu dans ses souvenirs.
— Ce n’est pas grave mon brave, c’est déjà bien assez. Finis ton repas, puis va rejoindre ton capitaine, dis-lui que vous lèverez bientôt l’ancre, l’informa James.
— Mon Roi ? interrogea Sanders afin d’en savoir plus.
— Je vous contacterai le moment venu, termina le jeune homme.
Quelques minutes plus tard, les trois garçons se rendirent dans la salle d’armes pour leur entraînement quotidien. La porte de la salle fut à peine fermée que déjà la conversation reprenait :
— Qu’as-tu en tête James ? demanda Dawn alors qu’il retirait sa cape et choisissait une épée.
— Je vais lui tendre un piège bien sûr ! répliqua James en brandissant son épée devant Dawn.
— Un piège ? demanda Franck. Tu l’as déjà fait un nombre incalculable de fois et tu n’as jamais réussi à obtenir quoi que ce soit.
— Parce qu’elles ont beaucoup de chance, ou une très bonne intuition. Plutôt que de piège, parlons... Le jeune homme s’interrompit quelques secondes en cherchant le mot, puis enchaîna : d’invitation. Nous en avons appris bien plus sur cette rencontre que sur les six derniers mois de leurs larcins. Elles se fatiguent, elles laissent des miettes de pain qu’il
nous faut suivre. Elles ne supportent pas les bijoux et les vêtements ? Envoyons nos bateaux chargés de ces mêmes victuailles et d’une invitation.
— Tu l’as déjà mentionné, mais une invitation à quoi ? Venir prendre le thé ? plaisanta Dawn.
— C’est à peu près ça... Organisons un bal en leur honneur et invitons-les à venir. Elles ne pourront pas résister, j’en suis certain, déclama James en tentant une parade, vite contrée par Dawn.
— Elles sont dans la clandestinité et recherchées pour vol. Tu crois vraiment qu’elles viendront ? répliqua alors Franck en observant, via la fenêtre de la pièce, les va-et-vient sur le pont du château.
— Elles viendront, croyez-moi ! dit-il alors qu’il lançait une attaque à Dawn.
Celui-ci feinta et attaqua à son tour ayant cru voir une ouverture qui se révéla être un piège. Alors que James allait l’embrocher pour lui donner un coup de grâce, celui-ci s’arrêta et se tourna vers Franck :
— Peux-tu faire le tour des villages et essayer de savoir si une « Elfie » ou une « Ellie » n’y serait pas née il y a une vingtaine d’années, pousse jusqu’à vingt-cinq ans si possible.
— Je le ferai, James, mais les prêtres ne gardent pas les registres aussi longtemps et nous ne sommes pas certains qu’elles appartiennent à ton royaume ou même qu’elles aient été baptisées ! expliqua Franck.
— On peut toujours essayer non ? objecta James.

Commentaires

  • Tilly
    • 1. Tilly Le 03/07/2022
    Hg je gu

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